« Et si on ne peut ni penser ni sentir, se dit-elle, où est-on ? »
Abstract
En pensant aux quelques mots que j’allais prononcer en hommage à Patrizia Lombardo, je me suis retrouvée dans la posture de Lily Briscoe, la femme artiste du roman To the Lighthouse (Vers le Phare) de Virginia Woolf. Alors que Lily Briscoe est en train de finir, des années après l’avoir commencé, un tableau sur la plage de St Ives – il lui manque juste un trait pour faire tenir la composition picturale ensemble –, elle tente de saisir l’essence de Mrs Ramsay. Mrs Ramsay est à sa façon elle aussi une artiste, de celles qui font exister, dans un moment suspendu hors du temps et à l’abri du changement, l’espace, d’habitude discordant, de la maison et de la famille. Plusieurs fois dans le roman, du vivant de Mrs Ramsay mais aussi après sa mort, Lily Briscoe s’interroge sur cette essence : « Quel était le principe de son être, cet élément essentiel qui faisait que, si l’on avait trouvé un gant au coin d’un canapé, on aurait su, à son doigt déformé, que c’était le sien, sans erreur possible ? » La question est en réalité plus ample : qu’est-ce qui, chez Mrs Ramsay et dans l’existence humaine, tient tête à ce que Virginia Woolf appelle dans ses notes, en écho aux vanités du XVIIe siècle, the devouringness of nature – voracité de la nature, irréversibilité du temps qui passe, mais aussi barbarie de la guerre –, qu’est-ce qui peut arracher aux ravages du temps et à l’éternelle impermanence qui voue les choses à la disparition, de purs moments de vérité et de grâce ?
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