INTRODUCTION : L’AUTOTHÉORIE ET LA TRANSBIOGRAPHIE ENTRE ÉCRITURE DE SOI, FICTION ET THÉORIE

Abstract

Perméables, hybrides, toujours problématiques et souvent résistantes à un travail rigide de définition et de répertoriage, les formes de l’écriture de soi ont connu ces dernières décennies de nouveaux développements, tant au niveau des pratiques qu’au niveau de la théorie littéraire et narrative dont elles constituent l’objet. Écrire, filmer, créer à partir d’un matériau biographique se révèlent être des actes qui ne sont pas uniquement descriptifs et qui ne visent pas seulement à construire des représentations du monde, mais qui constituent autant de façons de réfléchir, de s’engager et d’explorer le rapport complexe entre le soi et l’environnement. Qui plus est, la création artistique ayant pour point de départ sa propre biographie constitue également une forme de recherche, une entreprise proposant de nouveaux angles pour scruter la société et produisant un nouveau savoir sur celle-ci, incarné et situé. Un saut épistémologique est ainsi à l’œuvre dans la nouvelle forme de l’écriture de soi désignée par la notion d’« autothéorie » : comme le mot le suggère, théoriser et écrire sur son expérience intime ne sont plus deux entreprises enracinées dans des enjeux et des contextes différents, mais elles participent ensemble au même projet dans le cadre duquel la réflexion théorique et philosophique se réclame comme enracinée dans l’expérience vécue, transformée en source de connaissances sur le monde. C’est un projet qui interroge et décentre le socle même de la théorie, tel qu’il a généralement été conceptualisé jusqu’à présent dans la culture occidentale, c’est-à-dire décorporalisé (disembodied), « rationnel », « objectif ».